POMPONNETTE,
la Fauvette à calotte Marron
C’est à COURCELLES les SEMUR, dans les bois de Tremblot, où la subdivision de travaux de construction de l’autoroute A6 était installée que j’avais mon bureau, dans un bâtiment préfabriqué, mais agréablement aménagé, dans un endroit charmant.
Au coeur de la forêt, nous avions fait une clairière dans laquelle trois bâtiments avaient été construits.
La fenêtre de mon bureau donnait à l’Est, et j’avais la vue sur une chêneraie. C’était au printemps 1969, un an et demi après avoir récupéré TCHIMBOUL le rouge-gorge.
Un léger bruit à l’extérieur m’a fait tourner la tête. Mais, je n’ai rien vu. Puis comme le bruit recommençait, je me suis penché à la fenêtre et j’ai aperçu au pied du mur un couple de petits oiseaux qui paraissaient se débattre.
Je suis sorti de mon bureau pour les voir de plus près. Ils se sont laissés approcher et j’ai pu les ramasser sans aucune difficulté. C’étaient de jeunes oiseaux : ils avaient du duvet sur les ailes et sur la tête. C’étaient des bébés avancés qui avaient une bonne partie de leur plumage. Ils étaient de la grosseur d’un petit moineau. Mais ils ne ressemblaient pas à un moineau. Ils avaient un bec fin, comme le rouge-gorge. Leurs plumes étaient vert gris comme le rouge gorge. Leurs poitrails étaient moins gonflés que celui du rouge-gorge. Ils étaient moins rondouillés qu’un rouge-gorge. Plus élancés, plus fins. Mais leurs crânes étaient recouvert, pour l’un d’une calotte de plumes noires et pour l’autre, de plumes marrons.
Je les ai emmenés dans mon bureau et je les ai mis dans un tiroir, où ils pouvaient reprendre leurs esprits. Ils sont restés là tout l’après midi, à attendre la fin de la journée de travail.
A 18 heures, je confiais nos deux nouveaux invités à MAMY BENOU.
- C’est quoi ? demandais - je.
- Je ne sais pas. Peut-être des fauvettes !
Comme toujours, MAMY BENOU avait vu juste. Nous avons vérifié dans le dictionnaire, qui nous a confirmé qu’il s’agissait de fauvettes. Celle à tête noire était un mâle, et celle à tête marron était une femelle.
Les deux oisillons étaient chétifs, l’un plus que l’autre. MAMY BENOU m’expliqua qu’ils avaient dû tomber de leur nid, peut-être chassés par un coucou qui cherchait un gîte.
Après les avoir réchauffés de son souffle, dans le creux de ses mains, MAMY BENOU leur a fait un nid de chiffons, où elles les a installés. TCHIMBOUL curieux, est venu les voir en trottinant. Elle a préparé la potion magique, un mélange savant de biscuits et de jaune d’oeuf dur, réduit en poudre, légèrement humidifié. Elle a fait une boulette et à l’aide d’une allumette, elle l’a présentée devant les becs fins qui restaient fermés.
Elle a alors mâchonné la mixture et leur en a soufflé dans la bouche, chacun leur tour. La seringue a permis de rajouter quelques gouttes d’eau en ouvrant le bec avec le pouce et l’index.
Ils ont passé la nuit dans leur nid de chiffons.
Le lendemain matin, la fauvette à tête noire, la plus chétive était morte. A ses côtés, la fauvette à tête brune paraissait plus locasse. Elle a ouvert le bec, dès que MAMY BENOU lui a tendu l’allumette garnie de la mixture fabriquée la veille. Elle a également acceptée une bonne dose d’eau donnée par la seringue, et ne s’est plus occupé de son petit frère fauvette à tête noire, que MAMY BENOU à confié à SABINE, qui est aussitôt partie l’enterrer dans le square des Croisettes.
POMPONNETTE, c’est le nom que LAURENT lui a donné. Cette fauvette à tête marron est devenue très vite, et grâce aux soins et à la patience de MAMY BENOU, une très jolie oiselle. La sveltesse de son corps plaisait beaucoup à TCHIMBOUL, car jamais il n’y a eu de problème entre eux. Ils avaient une cage en commun. Cette cage, (dont la porte restait toujours ouverte), leur servait d’abri, et de lieu de ravitaillement.
POMPONNETTE était la compagne préférée de LAURENT. Elle se posait sur lui, sur sa tête, sur sa main. Elle n’était pas farouche et contrairement à TCHIMBOUL, qui ne se laissait jamais attraper, elle se posait volontiers à vos côtés.
L’un des jeux préféré de toute la famille, était de lui faire «l’échelle de perroquet». Le jeu consistait à la mettre sur un doigt d’une main placé à l’horizontale, et à la faire grimper sur le doigt de l’autre main placé au dessus. Puis de revenir avec le doigt de la main précédente, et ainsi de suite. POMPONNETTE se plaisait à effectuer cette escalade fictive sur les doigts des deux mains.
Sa récompense était de l’autoriser à piquer son bec dans la salive que vous lui présentiez au sorti de votre bouche. POMPONNETTE adorait picorer la salive. Elle en profitait pour vous piquer la langue, si vous en faisiez bouger le bout à travers vos lèvres.
J’avais offert à LAURENT, un mini jeu d’échecs, constitué par une boîte en carton de 10 centimètres de côté dont le damier blanc et noir était perforé de trous, qui recevaient les pièces d’échecs en plastique de couleurs rouge et blanche.
LAURENT adorait jouer aux échecs. Il jouait sur le plancher de sa chambre, en solo, prenant à tour de rôle une pièce rouge ou une pièce blanche.
POMPONNETTE venait le retrouver. Elle s’approchait du jeu et regardait LAURENT déplacer les pièces. Après un examen attentif, elle paraissait réfléchir en accrochant ses pattes sur le pourtour de l’échiquier, puis, très rapidement, elle piquait une pièce et l’emportait en sautillant, jusqu’à sa cage. LAURENT riait aux éclats. Il adorait ces moments là, et il les provoquait chaque fois qu’il pouvait. Moi, bien sûr, je filmais la scène pour être certain que l’on nous croirait dès que l’on raconterait l’histoire de la Fauvette qui joue aux échecs.
Quand on est parti en vacances à PORT-la-NOUVELLE, TCHIMBOUL et POMPONNETTE étaient les meilleurs amis du monde. Mais POMPONNETTE ne pouvait pas être lâchée, car elle volait très bien. Il y avait le risque qu’elle s’échappe. Ce n’est pas que nous ne voulions pas sa liberté, mais elle était devenu tellement familière, tellement apprivoisée, qu’elle n’avait peur de rien, ni de personne. Notre crainte était qu’elle s’approche d’un chien ou d’un chat, sans soucis du danger qu’ils pouvaient représenter. Et même, se poser sur la tête d’un passant qui prenant peur, aurait pu lui faire du mal, ou se positionner devant une roue de voiture au risque de se faire écraser.
La décision a été difficile à prendre. La garder dans une cage enfermée durant un mois, allait la rendre folle. D’autant qu’elle allait voir TCHIMBOUL vivre sa vie, puisque lui serait hors de cage dans l’appartement.
MAMY BENOU décida que la solution la plus sage, la plus raisonnable, était de l’empêcher de voler trop loin, en la déstabilisant. Il n’y avait qu’une chose à faire, lui couper une aile !
Nous avons eu peur, nous avons hésité. A vrai dire, il s’agissait de découper une partie de son aile, c’est à dire la première rangée de plumes, sur une largeur maximale de 5 à 6 millimètres.
Avec les ciseaux, MAMY BENOU s’est mise à la tâche, pour supprimer le plus gracieusement possible, cette marge d’aile.
POMPONNETTE s’est laissée attrapée. Elle n’a pas bronché, ni sourcillé. Apparemment, elle n’a pas eu mal. Peut-être se mordait-elle le bec pour ne pas piailler !
En tout cas, elle a tout de suite compris que nous ne voulions pas lui faire de mal et que ça devait être pour son bien.
Ainsi, en vacances à PORT-la-NOUVELLE, nous avions toute la tranquillité à laisser la cage ouverte. Les deux oiseaux sortaient et rentraient à leur aise. TCHIMBOUL restait autour de sa cage, à sautiller. POMPONNETTE voletait, déséquilibrée, surveillant les enfants qui pêchaient la future friture de dorades dans les retenues d’eau des creux de sable, autour de notre campement.
SABINE lui faisait faire «l’échelle de perroquet», et à chaque prise de poisson, PASCAL le faisait sentir à POMPONNETTE, qui le picorait ou lui donnait un coup d’aile.
Par contre, contrairement à TCHIMBOUL, POMPONNETTE ne se baignait pas dans la mer. D’ailleurs, nous n’y tenions pas, car elle voletait suffisamment pour aller au dessus de l’eau avec le risque de se noyer. Elle ne manifestait aucune envie de bain à ce moment là, et elle restait à picorer autour de sa cage, dans le sable, où elle trouvait toujours quelques insectes, qui l'intéressaient.
Nous passions quelques jours à BUZET-sur-BAÏSE, chez les parents de MAMY BENOU, et les jours de beau temps, nous mettions la table dehors, sous les acacias qui limitaient le terrain de la maison.
POMPONNETTE qui suivait les mouvements des uns et des autres, les allées et venues des plats, s’installait sur la grande table, et passait d’une assiette à l’autre, pour picorer un bout de viande ou un morceau de pain.
Une fois, un geste un peu brusque lui a fait peur, et elle s’est élevée au dessus de la table, pour se réfugier dans les acacias. Son aile repoussait de jour en jour et elle volait de mieux en mieux. Quand nous l’avons appelé, en tendant la main sur laquelle elle avait l’habitude de se poser, elle a préféré changer d’arbre et monter plus haut. Nous avions du mal à l’apercevoir, car sa silhouette se confondait avec le feuillage des acacias.
- «POMPONNETTE, viens POMPONNETTE ! appelait MAMY BENOU, anxieuse.
POMPONNETTE est redescendue sur la table, et nous l’avons attrapée. Nous avions tous eu peur, car il y avait des buses qui rôdaient dans l’environnement.
MAMY BENOU remit POMPONNETTE dans la cage, où elle retrouva TCHIMBOUL jusqu’à la fin de la journée.
A GONTAUD-de-NOGARET, nous passions nos aprés-midi à la piscine du Faudon, chez MICHELLKE Bet LIVIO. POMPONNETTE, nous accompagnait. Un jour, sur le rebord de la piscine, elle nous regardait nous baigner, quand tout à coup l'envie lui a prise de voler pour se poser sur la tête de son "ami" LAURENT. Elle a glissé sur les cheveux mouillés de LAURENT, et est tombée dans l'eau, où elle a bu une petite "tasse", avant de prendre appui avec ses ailes.
Nous l'avons récupérée aussitôt, et elle a séché ses plumes au soleil, dans la main de MAMY BENOU !
Dès que nous sommes revenu à AUXERRE, MAMY BENOU a refait un nouveau découpage d’aile, pour éviter tout autre incident.
La vie de POMPONNETTE a continué entre TCHIMBOUL et nous. Elle était devenue très familière. Elle était toujours sur l’un ou sur l’autre, dans le salon, dans la cuisine, dans les chambres, et même dans la salle de bain.
Un jour, la porte du palier est restée ouverte, le temps d’aller alimenter le vide ordure. Elle a dû nous suivre et nous n’avons pas fait attention.
En revenant dans l’appartement, et après avoir fermé la porte, nous n’avons pas réalisé tout de suite. Nous étions au 7ème étage de l’immeuble, et au dessus du vide ordure, il y avait une trappe ouverte qui donnait sur le grenier. Nous supposons que POMPONNETTE s’y est engouffrée.
En tout cas, lorsque nous avons pris conscience de son absence, il était trop tard. Nous avons eu du mal à reconstituer cette ««évasion».
A partir de ce jour là, nous n’avons jamais revu POMPONNETTE.
Retour Oiseaux